ContrairementĂ  ce qui semble l’évidence, que l’Etat assure la sĂ©curitĂ© et protĂšge les citoyens, la question retourne l’évidence comme un gant en suggĂ©rant deux choses : Laquestion est doublement biaisĂ©e : En rĂ©alitĂ©, l'Etat n'est pas nĂ©cessairement un mal (l'Etat providence par exemple). Et l'Etat n'est pas non plus nĂ©cessaire Ă  toute sociĂ©tĂ© : Vay Tiền TráșŁ GĂłp Theo ThĂĄng Chỉ Cáș§n Cmnd Hỗ Trợ Nợ Xáș„u. L'État est le cadre juridique de la sociĂ©tĂ©, dĂ©fini par une constitution qui est la source des lois et des rĂšgles de la vie sociale. La sociĂ©tĂ© humaine a existĂ© avant la crĂ©ation de l'État. Toutefois, la nĂ©cessitĂ© d'avoir des lois et des rĂšgles qui prĂ©servaient cette sociĂ©tĂ© s'est vite imposĂ©e, notamment parce que l'ĂȘtre humain Ă  l'Ă©tat de nature fait souvent l'usage de sa force, se montre violent. L'État doit garantir la paix, la libertĂ© et la justice. Il existe toutefois de nombreux cas dans l'histoire humaine et aujourd'hui encore oĂč l'État ne semble pas remplir ce rĂŽle l'État se montre oppresseur, parfois totalitaire, et mĂȘme le libĂ©ralisme est actuellement remis en cause, ce qui pousse Ă  se demander s'il n'est pas possible d'ĂȘtre une sociĂ©tĂ© sans État. ILa sociĂ©tĂ© avant la crĂ©ation de l'État Avant la crĂ©ation de l'État, l'ĂȘtre humain vivait en sociĂ©tĂ©, c'est-Ă -dire avec d'autres semblables, sans institutions. En effet, Ă  l'Ă©tat de nature, la sociĂ©tĂ© humaine existe dĂ©jĂ , on peut parler d'un contrat social qui organise cette structure sociale. L'idĂ©e mĂȘme de sociĂ©tĂ© est parfois vu comme une contradiction l'ĂȘtre humain cherche Ă  vivre avec les autres malgrĂ© les contraintes que cette situation entraĂźne. ALa sociĂ©tĂ© et son existence Ă  l'Ă©tat de nature La sociĂ©tĂ© humaine existe Ă  l'Ă©tat de nature. C'est notamment ce que pense Aristote, pour qui la famille est une sociĂ©tĂ© naturelle » qui existe avant l'État. La sociĂ©tĂ© est le rĂ©sultat d'un processus naturel d'expansion de la famille. L'homme est naturellement un animal politique. »Pour Aristote, il est dans la nature de l'homme de vivre au sein d'une sociĂ©tĂ©. D'ailleurs, selon lui, un homme qui ne vivrait pas en sociĂ©tĂ© ne serait pas pleinement un homme il serait soit un sous-homme, soit un surhomme, c'est-Ă -dire un dieu. Il existe en effet plusieurs stades dans la socialisation Le premier stade est la famille, qui vise la procrĂ©ation et la vie quotidienne. Le deuxiĂšme stade est le village une communautĂ© formĂ©e de plusieurs familles qui est gouvernĂ© par un chef et qui procĂšde d'une sorte d'extension du lien familial. Le troisiĂšme stade est la citĂ©, ou polis, une communautĂ© achevĂ©e formĂ©e de plusieurs villages, dont le bien visĂ© n'est pas seulement de vivre, mais de bien vivre. L'homme s'insĂ©rerait donc naturellement dans ces diffĂ©rents niveaux de la vie en commun. Il faut toutefois distinguer les notions de communautĂ© et de sociĂ©tĂ© La communautĂ© correspond Ă  une forme d'organisation plus traditionnelle, dans laquelle l'individu est encadrĂ© par la famille ou la corporation. Les membres d'une communautĂ© partagent un mode de vie commun, une mĂȘme vision du monde. La sociĂ©tĂ© rassemble des individus obĂ©issant aux mĂȘmes rĂšgles, sans pour autant partager un mode de vie ni des objectifs communs. Elle repose sur un pacte ou une convention volontairement formĂ©e par ses membres afin de poursuivre leurs objectifs individuels. Historiquement, le clan dĂ©fini par les liens de parentĂ© naturelle et par les rĂšgles de l'alliance a prĂ©cĂ©dĂ© la famille. Celle-ci est issue d'une division du peuple et associĂ©e Ă  l'usage d'un nom particulier. Ce nom est commun Ă  tous les membres de la famille. Il est dĂ©fini par des rĂšgles de transmission prĂ©cises pour chaque type de sociĂ©tĂ© ainsi que l'a montrĂ© LĂ©vi-Strauss dans ses Structures Ă©lĂ©mentaires de la parentĂ©. Les rĂšgles en usage dans le clan, en particulier le mode de transmission du nom transmission par le pĂšre ou par la mĂšre, se maintiennent dans la famille. La seule sociĂ©tĂ© naturelle », au sens oĂč Aristote l'entend, serait la horde primitive dont parle Darwin, et oĂč aucune rĂšgle n'existe en dehors des nĂ©cessitĂ©s de la vie. Tout y est nature », mais il n'y a pas encore de famille ni mĂȘme de clan. BL'idĂ©e du contrat social La sociĂ©tĂ© est l'union de diffĂ©rentes familles en vue du bien commun. C'est une convention passĂ©e entre diffĂ©rents individus isolĂ©s dans le but du bien commun. Pour sortir de l'Ă©tat de nature et entrer dans la sociĂ©tĂ©, il faut passer par un contrat social, tel qu'il a Ă©tĂ© thĂ©orisĂ© d'abord par John Locke en Angleterre et par Rousseau en France. Le bien commun recouvre ce que l'AntiquitĂ© dĂ©finit comme l'objet mĂȘme de la vie en sociĂ©tĂ©. Selon Aristote, l'homme Ă©tant l'animal politique », il ne peut que vouloir le bien qui est le mĂȘme pour tous la mot latin societas signifie association ». Ainsi se forme l'idĂ©e selon laquelle la sociĂ©tĂ© n'est pas naturelle » mais rĂ©sulte d'une convention passĂ©e entre des individus isolĂ©s, d'un contrat. Ce contrat est un engagement pris par les personnes faisant partie de la sociĂ©tĂ©, il comporte des conditions que les contractants s'engagent Ă  respecter. Contractualisme Le contractualisme est un courant de philosophie politique selon lequel l'origine de la sociĂ©tĂ© est un contrat passĂ© entre les hommes, par lequel ceux-ci acceptent une limitation de leur libertĂ© en Ă©change de lois garantissant la perpĂ©tuation du corps social. La notion de contrat social est essentielle chez des philosophes comme Thomas Hobbes, John Locke ou encore Jean-Jacques Rousseau. ThĂ©ories contractualistes Explications La thĂ©orie de Thomas Hobbes L'Ă©tat de nature ne garantit pas la sĂ©curitĂ©. Le contrat social est un contrat qui soumet l'homme Ă  l'autoritĂ© politique. Cette soumission doit ĂȘtre totale, et en Ă©change les citoyens bĂ©nĂ©ficient de la sĂ©curitĂ© et du respect de leurs biens. C'est une forme d'absolutisme tolĂ©rant l'existence d'une sphĂšre privĂ©e oĂč il n'a pas de pouvoir. La thĂ©orie de John Locke L'Ă©tat de nature permet Ă  l'homme de s'assurer une descendance, de punir ceux qui menacent sa vie et d'avoir le droit de propriĂ©tĂ©. Toutefois, il ne permet pas toujours la sĂ©curitĂ©, donc l'État est nĂ©cessaire. Cependant, le contrat passĂ© doit permettre Ă  l'homme de garder ses privilĂšges naturels. Le gouvernement est lĂ©gitime si la majoritĂ© le soutient et s'il assure la sĂ©curitĂ© et la propriĂ©tĂ© de chacun. C'est le libĂ©ralisme. La thĂ©orie de Jean-Jacques Rousseau L'Ă©tat de nature Ă©tait bon, mais l'homme dĂ©veloppe, dans certaines conditions historiques sĂ©dentarisation, industrie, propriĂ©tĂ© l'amour-propre, l'orgueil et la vanitĂ© en sociĂ©tĂ©. Dans cette mesure, le rapport de force apparaĂźt et rĂ©git les relations. Le contrat social doit permettre d'atteindre un État dans lequel les lois sont lĂ©gitimes et justes. Par le contrat, l'homme se donne totalement Ă  la communautĂ© mais uniquement parce qu'en tant que sujet il jouit des droits qu'il a fait promulguer en tant que citoyen. Le contrat social doit instaurer l'Ă©galitĂ© juridique entre les hommes malgrĂ© les diffĂ©rences naturelles. Du contrat social de Jean-Jacques Rousseau, Ă©crit en 1762, Ă©tend l'idĂ©e de contrat Ă  la sociĂ©tĂ© entiĂšre. On sort de l'Ă©tat de nature et on entre en sociĂ©tĂ© par le contrat social. Trouver une forme d'association qui dĂ©fende et protĂšge de toute la force commune la personne et les biens de chaque associĂ©, et par laquelle chacun s'unissant Ă  tous n'obĂ©isse pourtant qu'Ă  lui-mĂȘme et reste aussi libre qu'auparavant. Tel est le problĂšme fondamental dont le contrat social donne la solution. »Rousseau prĂ©sente l'idĂ©e du contrat social comme une fiction quelque chose qui est nĂ©cessaire pour penser la sociĂ©tĂ©, mais qui n'a peut-ĂȘtre jamais existĂ© dans les faits. La reprĂ©sentation du contrat social appartient en fait Ă  une Ă©tape de l'histoire oĂč le lien familial a dĂ©jĂ  Ă©clatĂ© » sous la pression du dĂ©veloppement Ă©conomique les individus vont vivre dans des lieux diffĂ©rents pour exercer leurs activitĂ©s. CLa vie sociale, un paradoxe L'ĂȘtre humain semble vouĂ© Ă  vivre en sociĂ©tĂ©. MĂȘme s'il perd une partie de sa libertĂ©, il bĂ©nĂ©ficie grĂące au contrat social d'une sĂ©curitĂ©, et c'est seulement en sociĂ©tĂ© qu'il peut se comparer aux la fin du XVIIIe siĂšcle, Emmanuel Kant parle de l'insociable sociabilitĂ© de l'homme malgrĂ© leur individualisme naturel », les hommes sont poussĂ©s Ă  nouer des relations sociales grĂące Ă  leur esprit de ne peuvent pas s'empĂȘcher, par amour-propre, d'entrer en compĂ©tition avec les autres, bien que leur dĂ©sir premier soit d'ignorer les autres. Ils se sentent, comme l'a soulignĂ© Jean-Jacques Rousseau, dĂ©naturĂ©s, c'est-Ă -dire loin de l' Ă©tat de nature » oĂč ils vivaient seuls, tout en ayant besoin de la sociĂ©tĂ© pour se comparer aux autres. Le moyen dont la Nature se sert pour mener Ă  bien le dĂ©veloppement de toutes les dispositions [des hommes] est leur antagonisme au sein de la SociĂ©tĂ©. J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilitĂ© des hommes, c'est-Ă -dire leur inclination Ă  entrer en sociĂ©tĂ©, inclination qui est cependant doublĂ©e d'une rĂ©pulsion gĂ©nĂ©rale Ă  le faire. »IdĂ©e d'une histoire universelle au point de vue cosmopolitiqueDans la piĂšce Huis clos de Jean-Paul Sartre, trois personnages que leurs fautes ont conduits en enfer tentent d'y trouver au moins la solitude. Mais le dĂ©sir de parler d'eux et l'ennui les poussent Ă  se rapprocher des autres, quitte Ă  souffrir toujours davantage de leur confrontation, et ceci Ă©ternellement. À la fin, l'un d'eux dĂ©clare L'enfer, c'est les autres ». Ainsi, il est Ă  la fois insupportable de vivre avec les autres et impossible de vivre sans eux. Le contrat social » peut ainsi ĂȘtre vu comme la contrainte paradoxale qui pousse les hommes Ă  vivre en sociĂ©tĂ© contrairement Ă  leur dĂ©sir. S'il est considĂ©rĂ© par Jean-Jacques Rousseau lui-mĂȘme comme une fiction, c'est qu'il demande Ă  ĂȘtre interprĂ©tĂ©. L'homme abandonne, par le contrat, tous ses droits naturels en Ă©change des droits civils », mais rien ne dit qu'il en soit satisfait, notamment s'il agit en raison de la peur. NĂ©anmoins, ce dernier sentiment est moins dĂ©terminant, chez Rousseau, que celui de la sĂ©curitĂ©, en raison des dangers qui ont suivi l'abandon de l'Ă©tat de nature par l' sociĂ©tĂ© est inĂ©vitable, mĂȘme si l'homme ne s'y sent pas toujours bien. À l'Ă©tat de nature, l'homme est en famille, mais mĂȘme s'il a du mal Ă  vivre avec les autres, il entre dans la sociĂ©tĂ© car il a besoin de se comparer Ă  eux. L'État va s'imposer pour tenter d'attĂ©nuer ce paradoxe et rendre Ă  l'homme ce qu'il a perdu en vivant en sociĂ©tĂ©. IIL'État garant de la sociĂ©tĂ© L'État donne un cadre juridique Ă  la sociĂ©tĂ©, il est créé dans le but de la protĂ©ger, d'apporter libertĂ© et justice. ALa crĂ©ation de l'État pour protĂ©ger la sociĂ©tĂ© Si pour certains philosophes, comme Rousseau, l'Ă©tat de nature » est un Ă©tat de paix et de solitude, il est plus souvent perçu comme une situation de guerre perpĂ©tuelle. La crĂ©ation de l'État doit permettre de protĂ©ger la sociĂ©tĂ©, d'empĂȘcher la Thomas Hobbes, l'Ă©tat naturel de l'homme est l'Ă©tat de la guerre de tous contre tous oĂč la loi du plus fort rĂšgne. Hobbes pense que l'ĂȘtre humain Ă  l'Ă©tat de nature est en conflit permanent, car il est animĂ© par le dĂ©sir, la crainte et l'envie. C'est ce qu'il appelle la guerre de tous contre tous ». Ainsi, la sociĂ©tĂ© humaine est composĂ©e d'ĂȘtre humains qui s'envient et se font peur. Chacun souhaite ĂȘtre le meilleur. Il n'y a qu'une maniĂšre de sortir de cet affrontement gĂ©nĂ©ral la crĂ©ation de l'État. État On appelle État le cadre juridique de la sociĂ©tĂ©, dĂ©fini par le droit public, la Constitution. Cette derniĂšre est la source, par le biais des institutions qui la mettent en Ɠuvre gouvernement, Parlement, des lois et rĂšgles de la vie le LĂ©viathan, Thomas Hobbes voit dans la crĂ©ation de l'État la moins mauvaise des solutions les ĂȘtres humains reconnaissent le pouvoir absolu de l'État et renoncent Ă  la violence de l'Ă©tat de nature et s'en protĂšge. L'État permet de protĂ©ger la sociĂ©tĂ©, il a pour but de faire rĂ©gner l'ordre et la paix. Ainsi, l'ĂȘtre humain créé l'État pour ĂȘtre en sĂ©curitĂ©. En vertu du pouvoir confĂ©rĂ© par chaque individu dans l'État, il dispose de tant de puissance et de force assemblĂ©es en lui que, par la terreur qu'elles inspirent, il peut conformer la volontĂ© de tous en vue de la paix Ă  l'intĂ©rieur et de l'entraide face aux ennemis de l'Ă©tranger. » BL'État pour apporter la libertĂ© et la justice Ă  la sociĂ©tĂ© L'État est la structure qui permet d'apporter la libertĂ© et la justice Ă  la 1820, dans ses Principes de la philosophie du droit, Hegel prĂ©sente l'État comme la plus haute des institutions. Selon lui, il permet de rĂ©aliser le plus haut degrĂ© de la libertĂ©, il est Dieu sur terre ». Hegel le prĂ©sente comme l'arbitre des rivalitĂ©s entre familles ou des luttes entre classes sociales. Il parle de la classe universelle », les fonctionnaires, qui poursuivent une entreprise universelle la justice, qui coĂŻncide avec la libertĂ©. L'État est mĂȘme au-dessus » de la famille et de la sociĂ©tĂ© civile parce que son droit le droit public ou constitutionnel est le plus Ă©levĂ© c'est le droit qui permet aux individus d'acquĂ©rir la libertĂ© et la justice. L'État est la rĂ©alitĂ© effective de la libertĂ© concrĂšte. »Georg Wilhelm Friedrich HegelPrincipes de la philosophie du droitLes mots effective » et concrĂšte » soulignent, chez Hegel, que l'État est bien plus qu'un concept. Étant dĂ©fini par le droit la Constitution, l'État est, comme toute rĂ©alitĂ© juridique, libertĂ© rĂ©alisĂ©e ». Le droit privĂ©, le droit des personnes, rĂ©alise aussi la libertĂ© c'est le cas dans la propriĂ©tĂ© qui rĂ©alise la libertĂ© individuelle, ou encore celle du commerce et de l'Ă©change dans la sociĂ©tĂ© civile. Il y a Ă©galement un droit familial. Toutefois, le droit de l'État est au-dessus de tous les autres, parce qu'il garantit ce que nous appelons les libertĂ©s publiques, communes Ă  tous les citoyens aller et venir, penser et s'exprimer librement, pratiquer une religion.L'État tend Ă  protĂ©ger la sociĂ©tĂ© et Ă  lui apporter la libertĂ©, il est nĂ©cessaire pour dĂ©passer la violence. IIILes rapports complexes entre sociĂ©tĂ© et État L'État peut ĂȘtre facteur d'injustice, suscitant des rĂ©voltes individuelles ou sociales lĂ©gitimes il peut exercer une forme d'oppression sur la sociĂ©tĂ© et mĂȘme se transformer en État totalitaire. Le libĂ©ralisme, ou sociĂ©tĂ© ouverte », semble une solution pour empĂȘcher que l'État prenne trop de pouvoir. On observe Ă©galement le rejet de l'État par certaines sociĂ©tĂ©s. AL'État, une forme d'oppression sur la sociĂ©tĂ© Alors qu'il peut apporter protection et libertĂ©, l'État peut Ă©galement ĂȘtre une source d'oppression. Pour lutter contre cette oppression, la sĂ©paration des pouvoirs est une fur et Ă  mesure que les États se sont agrandis - passant de la citĂ© grecque, par exemple, Ă  l'Empire d'Alexandre le Grand, puis de CĂ©sar ou de NapolĂ©on - ils sont devenus plus autoritaires, Ă©crasants par rapport aux populations. LĂ  oĂč l'État n'est pas un empire, il cherche Ă  le devenir comme dans l'Allemagne nazie ou en Russie soviĂ©tique et ses chefs deviennent des dictateurs. George Orwell, dans son roman 1984, a mĂȘme imaginĂ© un systĂšme dont on ne connaĂźt pas le chef, Big Brother », mais auquel tous les individus sont soumis par la terreur. L'État est le plus froid des monstres froids. »Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre pour tous et pour personnePour lutter contre un État oppressif, l'homme peut toutefois se rebeller. Antigone Dans la tragĂ©die antique Antigone de Sophocle, Antigone est une jeune fille rĂ©voltĂ©e contre la loi de la citĂ© c'est-Ă -dire l'État reprĂ©sentĂ©e par son oncle CrĂ©on ses deux frĂšres s'Ă©tant entretuĂ©s au cours d'une bataille pour le pouvoir, l'un d'eux a Ă©tĂ© privĂ© de sĂ©pulture par CrĂ©on. Antigone veut l'enterrer religieusement. Dans cet exemple, Hegel voit le conflit du droit familial, reprĂ©sentĂ© par Antigone, et du droit de l'État, reprĂ©sentĂ© par CrĂ©on. Non seulement la jeune fille ne reconnaĂźt pas le droit de l'État, mais elle invoque Ă©galement des valeurs sacrĂ©es, lĂ©gitimes pour Hegel parce qu'elles sont au-dessus de l'État sĂ©paration des trois pouvoirs, exĂ©cutif, lĂ©gislatif et judiciaire, vise Ă  attĂ©nuer l'absolutisme de l'État et donc Ă  attĂ©nuer les possibilitĂ©s d'oppression. Montesquieu parle de distribution des pouvoirs dĂšs 1748 dans De l'esprit des lois. Il Ă©crit que le pouvoir arrĂȘte le pouvoir » cela sous-entend que le pouvoir doit ĂȘtre distribuĂ© car ainsi plusieurs pouvoirs s'affrontent et une balance peut ĂȘtre trouvĂ©e. L'indĂ©pendance de la justice est particuliĂšrement importante afin que l'État reste un État de droit » oĂč un chef ne puisse plus dire, Ă  l'instar de Louis XIV L'État, c'est moi », en monopolisant et en concentrant les pouvoirs entre ses dĂ©mocratie, le pouvoir appartient au peuple. Le pouvoir lĂ©gislatif ne peut ĂȘtre exercĂ© par le gouvernement lui-mĂȘme. Il suppose la reprĂ©sentation par un Parlement issu d'Ă©lections libres. Ce systĂšme de sĂ©paration des pouvoirs dĂ©finit la dĂ©mocratie par opposition Ă  la dictature. La souverainetĂ© populaire s'oppose ainsi Ă  la souverainetĂ© nationale, qui peut ĂȘtre reprĂ©sentĂ©e par un seul individu. La souverainetĂ© le principe du pouvoir n'est pas le gouvernement. BL'État contre la sociĂ©tĂ© le totalitarisme L'oppression de l'État sur la sociĂ©tĂ© peut se transformer en vĂ©ritable totalitarisme. L'État est alors contre la sociĂ©tĂ© humaine qu'il contrĂŽle voire dĂ©truit. Le pouvoir est alors dans les mains d'un seul dictateur. Tous les exemples d'États totalitaires dans l'histoire supposent l'acceptation d'une partie de la sociĂ©tĂ©. Cela s'explique car la tentation est grande pour les hommes de s'en remettre Ă  la seule autoritĂ© de l'État, dont on a vu qu'elle les protĂšge d'eux-mĂȘmes en tant qu'ĂȘtres potentiellement violents. Les historiens soulignent que si Hitler a lĂ©galement accĂ©dĂ© au pouvoir dans l'Allemagne de 1933, c'est qu'il satisfaisait les dĂ©sirs de revanche d'une petite-bourgeoisie » ruinĂ©e par la grande crise de 1929 et aussi ceux d'un peuple humiliĂ© » par la dĂ©faite de la PremiĂšre Guerre mondiale. L'État totalitaire » est un État maximal qui concentre toute l'autoritĂ© au point de rĂšglementer lui-mĂȘme la sociĂ©tĂ©, l'Ă©conomie et les libertĂ©s publiques. Ces derniĂšres tendent Ă  disparaĂźtre du fait du poids de la censure et de la police. Les juges eux-mĂȘmes ne sont pas indĂ©pendants. Le totalitarisme rejette toute forme de contrat social et de contrĂŽle du gouvernement par le peuple ou ses Hannah Arendt, qui a beaucoup Ă©tudiĂ© les totalitarismes du XXe siĂšcle, le totalitarisme est plus qu'un rĂ©gime politique. Dans Le SystĂšme totalitaire, elle Ă©tudie deux formes de totalitarisme, l'Allemagne nazie et l'URSS stalinienne. Elle considĂšre que le totalitarisme est un phĂ©nomĂšne de masses ». Pour elle, ces masses » sont perdues, elles ont besoin d'un modĂšle et acceptent facilement les idĂ©ologies totalitaires. Les Origines du totalitarisme© Le Seuil, coll. Points 1972, 1951Le discours totalitaire est un discours qui plaĂźt, c'est un discours qui repose sur des images fortes, sur la violence, il anime les foules. Un parti unique s'installe, et ce parti devient tout, les ĂȘtres humains n'existent que pour et Ă  travers ce parti et son idĂ©ologie. Enfin, Hannah Arendt analyse la façon dont le parti totalitaire va supprimer les libertĂ©s, d'abord ce qu'elle appelle la libertĂ© extĂ©rieure les droits puis ce qu'elle nomme la libertĂ© intĂ©rieure les idĂ©es, la pensĂ©e. Les sociĂ©tĂ©s totalitaires dĂ©signent des groupes humains comme Ă©tant des ennemis ce sont souvent les intellectuels. Ainsi, dans les sociĂ©tĂ©s totalitaires, la population est complĂštement surveillĂ©e, elle vit dans la terreur, chacun a peur d'ĂȘtre dĂ©noncĂ© tandis que d'autres traquent les ennemis du rĂ©gime ». Pour Hannah Arendt, les rĂ©gimes totalitaires mettent ainsi en place la dĂ©shumanisation des ĂȘtres humains. CLa sociĂ©tĂ© ouverte » pour lutter contre le pouvoir de l'État le libĂ©ralisme Le philosophe Karl Popper oppose au totalitarisme le concept de sociĂ©tĂ© ouverte, qui permet de lutter contre le pouvoir de l'État. Cette idĂ©e d'une sociĂ©tĂ© ouverte se rapproche du libĂ©ralisme tel qu'il a Ă©tĂ© pensĂ© par le philosophe John sociĂ©tĂ© ouverte est la sociĂ©tĂ© libĂ©rale » dans laquelle l'État ne joue qu'un rĂŽle minimal, le rĂŽle sĂ©curitaire. Le libĂ©ralisme anglo-saxon » dont parle John Locke valorise le commerce et le droit privĂ©. Les individus, sujets de droit Ă  part entiĂšre, ne peuvent que s'Ă©panouir dans le libre-Ă©change » que populariseront par la suite Jeremy Bentham et John Stuart Mill. Les nations s'Ă©panouissent par le commerce, qui ne doit connaĂźtre aucune entrave. La sociĂ©tĂ© comme l'Ă©change reposant sur un contrat, le droit privĂ© suffit, l'État est Ă  peine nĂ©cessaire, sauf sur le plan pĂ©nal, afin que les contrats et la sĂ»retĂ© individuelle soient les penseurs libĂ©raux, le contrat social » est la sociĂ©tĂ© elle-mĂȘme. L'État n'est que le produit d'un contrat parmi d'autres un contrat de gouvernement » et les gouvernants peuvent ĂȘtre rĂ©voquĂ©s par le peuple s'ils ne donnent pas satisfaction. L'État libĂ©ral » est un État minimal qui assure la sĂ©curitĂ© sans gĂȘner le libre-Ă©change qu'il favorise le plus possible. L'État, selon mes idĂ©es, est une sociĂ©tĂ© d'hommes instituĂ©e dans la seule vue de l'Ă©tablissement, de la conservation et de l'avancement de leurs intĂ©rĂȘts civils. »Comme son nom l'indique, le libĂ©ralisme prĂ©fĂšre la libertĂ© Ă  la justice, ou plutĂŽt il pense qu'elles peuvent coĂŻncider, Ă  condition que l'État remplisse exactement son rĂŽle. La sociĂ©tĂ© ouverte et l'État peuvent, selon John Rawls dans sa ThĂ©orie de la justice, s'accommoder de certaines injustices et inĂ©galitĂ©s. Ainsi, une rĂ©partition inĂ©galitaire des biens entre les individus est acceptable si les individus qui bĂ©nĂ©ficient du moins de biens dans ce modĂšle de sociĂ©tĂ© disposent tout de mĂȘme de plus de biens que s'ils se trouvaient dans un autre peut intervenir dans le domaine de la propriĂ©tĂ© individuelle expropriation mais seulement si c'est en faveur des individus dĂ©favorisĂ©s intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral et sans lĂ©ser les autres. Adam Smith est un autre philosophe qui dĂ©fend le libĂ©ralisme. Pour lui, l'État ne doit pas intervenir dans l'Ă©conomie, la justice se fait d'elle-mĂȘme. Il estime qu'il existe un principe naturel de rĂ©gulation qui aboutit Ă  ce que les divers intĂ©rĂȘts particuliers servent l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral c'est la main invisible. L'idĂ©e est que la mise en concurrence permet une utilisation optimale des ressources disponibles ; les mobiles Ă©goĂŻstes des individus aboutissent ainsi Ă  la meilleure utilisation possible des ressources Ă  l'Ă©chelle de la sociĂ©tĂ©. Ceci est rendu possible par deux faits la tendance qu'ont les individus Ă  employer leur capital Ă  faire valoir l'industrie nationale ; la tendance qu'ils ont Ă  diriger cette industrie de maniĂšre Ă  lui faire acquĂ©rir la plus grande valeur possible. Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nationsLe libĂ©ralisme est trĂšs critiquĂ© et remis en question aujourd'hui, avec la crise. On lui reproche notamment de donner tous les pouvoirs au monde de la finance, devant lequel mĂȘme les États semblent impuissants, la gouvernance semblant s'ĂȘtre dĂ©placĂ©e du politique au financier, et de l'État Ă  l'international. La question de la monnaie, en particulier, gouverne les Ă©changes entre les États eux-mĂȘmes mais est gĂ©rĂ©e au niveau Banque centrale europĂ©enne BCE est indĂ©pendante des États europĂ©ens. Elle fixe librement la crĂ©ation de la monnaie ainsi que les taux d'intĂ©rĂȘt, avantageant ou dĂ©savantageant indirectement tel ou tel État inflation ce qui peut fragiliser la cohĂ©sion europĂ©enne comme on l'a vu au moment de la crise grecque Grexit ». DDes sociĂ©tĂ©s rejetant l'État Il existe Ă©galement des sociĂ©tĂ©s qui ont fait le choix de rejeter l'État. L'ethnologue Pierre Clastres en a notamment Ă©tudiĂ© certaines. Dans son livre La SociĂ©tĂ© contre l'État, l'ethnologue Pierre Clastres, ayant observĂ© diffĂ©rentes sociĂ©tĂ©s premiĂšres » d'Amazonie, affirme que ces sociĂ©tĂ©s n'ignorent pas l'État comme on l'a toujours pensĂ©, mais le sont des sociĂ©tĂ©s qui font le choix de se passer d'État. L'histoire des peuples sans histoire [c'est-Ă -dire gĂ©ographiquement indĂ©pendantes et sans interaction] c'est [...] l'histoire de leur lutte contre l'État. »© Éditions de Minuit, collection Critique, 1974Les peuples sans histoire » correspondent Ă  ce que Claude LĂ©vi-Strauss appelle les sociĂ©tĂ©s froides », qui se prĂ©servent de l'interaction avec d'autres, et par consĂ©quent des conflits historiques. Il semblerait alors que les sociĂ©tĂ©s continuant d'Ă©voluer sans avoir d'État ne connaissent pas les mĂȘmes troubles que les autres et sont plus heureuses c'est l'un des sens que l'on peut donner Ă  sans histoire ». Selon Pierre Clastres, les sociĂ©tĂ©s premiĂšres » n'ont pas besoin de l'État comme juge ou arbitre de leurs conflits. Elles ont des chefs, mais elles les contrĂŽlent » afin qu'ils ne deviennent pas trop puissants et ne fondent des États. Les guerres elles-mĂȘmes, internes ou extĂ©rieures, ont pour fonction d'Ă©loigner le spectre » de l' effet, en temps de paix, ces sociĂ©tĂ©s sont une sorte de dĂ©mocratie directe » oĂč sociĂ©tĂ© et État se confondent elles rĂ©alisent le rĂȘve de Rousseau. Elles ne sont pas, prĂ©cise Clastres, sans État » ou anarchiques sans ordre, car elles sont suffisamment organisĂ©es. Elles reprĂ©sentent ce que Marcel Mauss appelle le fait social global », sans diffĂ©renciation de classes ou de mĂ©tiers, ou encore par la sociĂ©tĂ©s sont pacifiques tant que la forme de l'État ne s'impose pas comme une contrainte par rapport Ă  la vie sociale elle-mĂȘme. Elles entrent en guerre les unes contre les autres dans la mesure oĂč elles craignent que l'une d'entre elles leur impose le cadre de l'État et donc les opprime et les domine, en dĂ©truisant leur Ă©quilibre sociĂ©tĂ©s luttent contre l'État comme contre une menace, Ă  la maniĂšre de quelqu'un qui se dĂ©bat, se dĂ©fend contre l'angoisse ou contre une maladie dont il pense qu'elle lui sera fatale. Les sociĂ©tĂ©s sans État » sont aujourd'hui extrĂȘmement minoritaires et ne concernent guĂšre que quelques groupes de chasseurs-cueilleurs » d'Amazonie ou de Nouvelle-GuinĂ©e, ou encore le peuple Ayoreo du Paraguay, État oĂč Pierre Clastres avait observĂ©, vers 1970, les Indiens Guayaki, exemple de ce qu'il appelle une sociĂ©tĂ© contre l'État ». En s’inspirant des idĂ©es de Gandhi, cet article ambitionne de repenser Ă  nouveaux frais la question des justifications Ă©thico-politiques de la violence rĂ©volutionnaire. AprĂšs avoir identifiĂ© cinq registres de lĂ©gitimation de l’emploi des armes dans le renversement du capitalisme, nous montrerons qu’aucun d’entre eux ne satisfait aux conditions stratĂ©giques et Ă©thiques d’une rĂ©volution rĂ©ussie ». Mais, si la violence rĂ©volutionnaire doit ĂȘtre bannie, sommes-nous condamnĂ©s Ă  la passivitĂ© et Ă  une lĂąche acceptation de l’ordre Ă©tabli ? En partant du constat que tout pouvoir repose en grande partie sur le consentement des sujets, ne peut-on pas Ă©laborer une stratĂ©gie rĂ©volutionnaire non-violente, fondĂ©e sur le refus de collaborer avec les institutions gĂ©nĂ©ratrices d’injustice ? Dans cet article, nous partirons de l’hypothĂšse selon laquelle une rĂ©volution, c’est-Ă -dire un renversement de l’ordre politique et Ă©conomique, est nĂ©cessaire[1], ne serait-ce que du fait de l’irrationalitĂ© d’un systĂšme capable de nourrir 12 milliards de bouches mais dans lequel 17 000 enfants meurent quotidiennement de malnutrition[2]. Ceci Ă©tant posĂ©, une question surgit immĂ©diatement, celle de la lĂ©gitimitĂ© de la violence, que l’on considĂšre gĂ©nĂ©ralement comme inhĂ©rente Ă  tout processus rĂ©volutionnaire. Il s’agit lĂ  d’une question philosophique pĂ©renne, quasi-Ă©ternelle, que tout rĂ©volutionnaire, d’hier comme de demain, de Paris comme de Tunis, ne saurait Ă©viter. Deux rĂ©centes contributions ont rĂ©ouvert le dĂ©bat et mĂ©ritent d’ĂȘtre mentionnĂ©es. Dans une confĂ©rence[3] prononcĂ©e au colloque Marx International en octobre 2004, le philosophe français Étienne Balibar exprimait son regret devant ce qu’il nommait rencontre manquĂ©e » du XXe siĂšcle, celle de LĂ©nine et Gandhi. À ceux qui opposent stĂ©rilement ces deux plus grands thĂ©oriciens-praticiens rĂ©volutionnaires » du siĂšcle passĂ©, Balibar propose une articulation fĂ©conde entre dictature du prolĂ©tariat et dĂ©sobĂ©issance civile. Cette nouvelle hypothĂšse stratĂ©gique – une rĂ©volution combinant les mĂ©rites respectifs de la violence et la non-violence – enseignerait aux rĂ©volutionnaires d’aujourd’hui que leur lutte, pour ĂȘtre victorieuse, doit respecter un principe d’autolimitation », par lequel est laissĂ© Ă  l’adversaire un moment d’ouverture pour lui offrir l’opportunitĂ© de transformer son point de vue. George Labica, autre philosophe français issu de la tradition marxiste, formula en 2005 une rĂ©ponse lapidaire[4] Ă  l’invitation de Balibar Ă  repenser Ă  nouveau frais le couple violence/non-violence dans son rapport Ă  la rĂ©volution. En affirmant que la violence n’est pas un choix », Labica soutient – de maniĂšre Ă  peine voilĂ©e – qu’elle est une nĂ©cessitĂ© et qu’elle s’en trouve, de ce fait, justifiĂ©e. D’oĂč il s’ensuit que la non-violence est incapable de dĂ©passer le stade des louables intentions » et que, pour se libĂ©rer, les opprimĂ©s devront impĂ©rativement en passer par les armes et le terrorisme de rĂ©sistance » comme en Irak ou en Palestine. Le clivage entre Balibar et Labica[5] concerne la lĂ©gitimitĂ© de la violence rĂ©volutionnaire. Aussi souhaitons-nous, dans la suite de ce texte, identifier les arguments rĂ©guliĂšrement mobilisĂ©s dans ce dĂ©bat sans fin. Une dĂ©finition restrictive de la violence, que nous ferons nĂŽtre, fait consensus. Elle dĂ©signe comme violente » toute atteinte volontaire Ă  l’intĂ©gritĂ© physique d’un ou plusieurs ĂȘtres humains. Sont ainsi exclus de cette dĂ©finition les dommages corporels dus au hasard, Ă  la fatalitĂ© ou aux phĂ©nomĂšnes naturels, de mĂȘme que les atteintes Ă  l’intĂ©gritĂ© morale ou psychologique, car il est Ă©vident qu’une rĂ©volution, mĂȘme des plus pacifiques, ne va pas sans heurter les mentalitĂ©s, ou rompre avec les idĂ©es communĂ©ment admises, parfois d’origine immĂ©moriale. La violence dĂ©signe donc une atteinte physique dans laquelle est engagĂ©e une responsabilitĂ© humaine. Partant, la violence rĂ©volutionnaire » est la forme spĂ©cifique de violence physique visant le renversement de l’ordre Ă©tabli et, dans sa version marxiste et anarchiste, l’abolition de l’État et le dĂ©passement du capitalisme. Elle se donne pour horizon l’édification d’un monde commun, de ce que Gandhi appelle une sociĂ©tĂ© non-violente, Marx le communisme et les libertaires l’anarchie. Chacun nommera cette sociĂ©tĂ© comme il le souhaite, du moment qu’il entende derriĂšre l’abolition de la propriĂ©tĂ© privĂ©e des moyens de production et l’instauration du rĂ©gime politique qui lui correspond une dĂ©mocratie directe et fĂ©dĂ©raliste. L’État revendiquant, avec succĂšs, le monopole de la violence physique lĂ©gitime armĂ©e et police sur un territoire donnĂ©[6], les opprimĂ©s en Ă©tat de rĂ©volte disposent bien rarement des fusils et des tanks pour dĂ©fendre leur cause. Mais lorsqu’ils ont la possibilitĂ© de s’armer, une question se pose alors Ă  eux doivent-ils user ou non des moyens de violence qui sont Ă  leur disposition ? Cette question jamais rĂ©solue nous semble des plus cruciales concernant la stratĂ©gie rĂ©volutionnaire dans son ensemble. La violence rĂ©volutionnaire est-elle jamais lĂ©gitime ? Si oui, pourquoi ? Si non, que substituer aux mĂ©thodes d’action violentes ? Pour rĂ©pondre Ă  ces questions, il convient de commencer par un inventaire des arguments qui, de tout temps, ont Ă©tĂ© mobilisĂ©s pour dĂ©fendre la lĂ©gitimitĂ© Ă©thico-politique de la violence rĂ©volutionnaire. Cinq axes de justification se font jour. Les rĂ©volutionnaires de tout poil les ont bien sĂ»r sĂ©lectionnĂ©s, combinĂ©s et adaptĂ©s en fonction des circonstances historiques, des contextes politiques et de leurs idĂ©ologies spĂ©cifiques. 1 La violence dĂ©fensive la violence est lĂ©gitime car elle n’est qu’une contre-violence. Il s’agit exclusivement d’une rĂ©ponse Ă  une agression premiĂšre, Ă  savoir la violence institutionnelle de l’État ou, dans les situations de montĂ©e du fascisme, Ă  la violence organisĂ©e de la bourgeoisie, de ses milices et de ses nervis. Le caractĂšre secondaire et dĂ©rivatif de la violence rĂ©volutionnaire dĂ©douane ceux qui l’ont perpĂ©trĂ© de leur responsabilitĂ© morale. 2 La violence historique la violence est dans ce cas prĂ©sentĂ©e comme inscrite dans les lois de l’Histoire. Le dĂ©roulement des rĂ©volutions passĂ©es est lĂ  pour en tĂ©moigner. La violence est lĂ©gitime car nĂ©cessaire pour permettre au passĂ© d’accoucher de l’avenir, selon la formule fameuse de Marx. Sans elle, point de salut historique. 3 La violence cathartique la violence rĂ©volutionnaire possĂšde une valeur libĂ©ratrice et rĂ©paratrice. Elle permet aux opprimĂ©s d’expurger la douleur si longtemps intĂ©riorisĂ©e. En se vengeant, ils recouvrent leur dignitĂ© et acquiĂšrent leur indĂ©pendance. En tant que sacrifice rĂ©dempteur, la violence ouvre la voie Ă  l’avĂšnement d’un homme nouveau ». 4 La violence rĂ©vĂ©latrice en prĂ©cipitant la rĂ©pression policiĂšre et militaire, la violence a pour but de rĂ©vĂ©ler la vĂ©ritable nature intrinsĂšquement fasciste » de l’État. Il s’agit de provoquer ce dernier pour l’amener Ă  dĂ©voiler aux yeux de tous que – derriĂšre les fallacieuses idĂ©ologies du bien commun et de la souverainetĂ© populaire – la force constitue en derniĂšre analyse son seul et unique fondement. 5 La violence efficace les protestations verbales et les dĂ©clarations d’intentions n’ont jamais changĂ© le monde. La non-violence n’est par ailleurs qu’une forme dissimulĂ©e de lĂąchetĂ© et de rĂ©formisme petit-bourgeois, reculant devant l’usage des moyens nĂ©cessaires Ă  la rĂ©alisation des fins. Pour la rĂ©volution, il n’est donc qu’une seule solution l’action violente minoritaire ou de masse. Ces arguments ne nous semblent pas tenir, et nous aimerions le montrer, en nous inspirant, une fois n’est pas coutume, de la pensĂ©e de Gandhi[7]. Loin de nous l’idĂ©e de saupoudrer d’un peu de folklore asiatique la sĂ©rieuse discussion rĂ©volutionnaire sur le rĂŽle de la violence. Il faut considĂ©rer avec le plus grand respect et une attention soutenue les apports du Mahatma sur la question. Il est d’ailleurs regrettable que les traditions marxiste et libertaire – Ă  quelques exceptions prĂšs[8] – aient totalement fait l’impasse sur les enseignements de Gandhi. Toute rĂ©volution, soutenait Simone Weil, n’est que le produit des moyens employĂ©s pour la faire aboutir. À ce titre, n’avait-elle pas raison d’affirmer que plus il y a de violence, moins il y a de rĂ©volution »[9] ? Reprenons un Ă  un, pour les critiquer, les cinq arguments prĂ©sentĂ©s ci-dessus. 1 La violence dĂ©fensive Il est indĂ©niable que la violence des prolĂ©taires, des colonisĂ©s ou des esclaves n’est qu’une rĂ©ponse Ă  celle de leurs oppresseurs. Ce fait ne saurait ĂȘtre contestĂ©, si l’on prend la peine d’observer les situations rĂ©volutionnaires passĂ©es. Mais suffit-il Ă  rendre cette violence lĂ©gitime ? Une donnĂ©e supplĂ©mentaire doit ĂȘtre prise en compte. Dans une guerre civile rĂ©volutionnaire, l’adversaire adoptera lui aussi la stratĂ©gie de lĂ©gitimation de la violence dĂ©fensive ». La violence initiale et fautive, c’est toujours celle de l’autre. Aussi, pour sortir de cette spirale infernale oĂč toutes les violences sont lĂ©gitimes » et oĂč toutes s’exercent donc sans limite, il n’est qu’une seule solution le dĂ©sarmement unilatĂ©ral. Sans quoi le monde court Ă  sa perte, Ă  sa disparition au sens littĂ©ral. Mais attention, qui dit se dĂ©sarmer ne dit pas arrĂȘter de lutter. Il s’agit au contraire de lutter autrement. Il ne faut pas par ailleurs tomber dans un relativisme Ă©thique absolu. Dire que la violence dĂ©fensive n’est pas lĂ©gitime ne signifie pas que toutes les violences se valent. La violence spontanĂ©e vaut mieux que celle prĂ©mĂ©ditĂ©e, la violence dĂ©fensive est prĂ©fĂ©rable Ă  celle agressive, et la violence d’une minoritĂ© opprimĂ©e est plus comprĂ©hensible que celle des oppresseurs organisĂ©s. 2 La violence historique Un bref raisonnement par l’absurde suffit Ă  rĂ©futer l’idĂ©e que la violence serait inscrite dans les lois de l’histoire ». Si la loi du talion prĂ©valait, notre espĂšce aurait disparu depuis des siĂšcles, puisque la logique du Ɠil pour Ɠil » aurait tĂŽt fait de rendre tout le monde aveugle. Or, nous sommes lĂ  pour le constater, tel n’est pas le cas. Une seconde maniĂšre de rĂ©futer la thĂšse de la violence comme nĂ©cessitĂ© historique revient Ă  remarquer que, contrairement Ă  ce qu’a longtemps soutenu un certain marxisme orthodoxe, nous savons aujourd’hui que, violence ou non, il n’est pas de lois » de l’Histoire. L’homme a beau ĂȘtre soumis Ă  un conditionnement social, l’histoire en tant que catĂ©gorie transcendante hors de notre portĂ©e n’est qu’un fantasme mĂ©taphysique et fataliste, un fĂ©tiche si l’on veut. Les circonstances font tout autant les hommes que les hommes font les circonstances », Ă©crivaient Marx et Engels dans L’IdĂ©ologie allemande[10], brisant ainsi l’alternative binaire entre un matĂ©rialisme vulgaire et un idĂ©alisme humaniste. Dans la mĂȘme veine, explique Cornelius Castoriadis, le propre d’une sociĂ©tĂ© autonome est de rompre avec l’imaginaire hĂ©tĂ©ronome d’une nĂ©cessitĂ© historique et de prendre conscience que l’humanitĂ© est Ă  l’origine de ses propres lois et institutions[11]. 3 La violence cathartique Faut-il vraiment faire souffrir celui qui nous a opprimĂ© pour se sentir soulagĂ© ? Dans certains cas parfois. Mais cette sadique thĂ©rapie suffit-elle Ă  consacrer un droit Ă  la vengeance » ? Une sociĂ©tĂ© future, radicalement diffĂ©rente de celle-ci, ne devrait-elle pas plutĂŽt, autant que faire se peut, instituer une logique politique du pardon ? Peut-on rendre un tyran entiĂšrement responsable des souffrances infligĂ©es Ă  ses sujets, et en retour permettre Ă  ces derniers de soulager leurs malheurs en Ă©gorgeant leur maĂźtre ? En outre, peut-on imputer la responsabilitĂ© des maux sociaux du capitalisme aux seuls capitalistes et ainsi exiger qu’ils en soient violemment punis ? Non, car il ne faut jamais oublier que, de mĂȘme que les prolĂ©taires sont Ă  leur place non par incompĂ©tence individuelle ou choix volontaire mais du fait des mĂ©canismes impersonnels qui assurent la reproduction sociale, les bourgeois n’occupent majoritairement leur position sociale que parce que leurs pĂšres, et les pĂšres de leurs pĂšres, l’occupaient. On ne choisit jamais entiĂšrement d’ĂȘtre exploiteur, ou de vivre des revenus – passĂ©s et/ou prĂ©sents – de l’exploitation. Marx Ă©crivait ainsi qu’on ne peut rendre l’individu responsable des rapports dont il reste socialement la crĂ©ature, quoiqu’il puisse faire pour s’en dĂ©gager »[12], si bien que l’on peut affirmer, avec Bourdieu, que les dominants sont dominĂ©s par leur propre domination. 4 La violence rĂ©vĂ©latrice Cet argumentaire caractĂ©rise avant tout les groupes d’action directe tels que la RAF allemande ou les Brigades rouges italiennes. Selon eux, les attentats terroristes contre les reprĂ©sentants de l’État ont pour effet d’entraĂźner la rĂ©pression policiĂšre, dĂ©voilant ainsi que l’État n’a aucune lĂ©gitimitĂ© puisqu’il ne fonde son pouvoir que sur la force armĂ©e. Mais de telles violences sont-elles rĂ©ellement nĂ©cessaires pour illustrer la nature bourgeoise et essentiellement conservatrice de l’État ? Cette nature n’est-elle pas dĂ©jĂ  d’une Ă©vidence flagrante ? Et quand bien mĂȘme les yeux de chacun n’auraient pas Ă©tĂ© dessillĂ©s sur cette Ă©vidence », ne vaut-il pas mieux perfectionner l’élaboration et la diffusion des idĂ©es rĂ©volutionnaires – de maniĂšre Ă  mieux convaincre les gens sur cette question – que de commettre des violences immorales car touchant souvent des innocents et contreproductives car discrĂ©ditant ainsi le mouvement ouvrier rĂ©volutionnaire dans son ensemble ? 5 La violence efficace Cette question en comporte en fait deux La violence est-elle rĂ©ellement efficace ? Si oui, efficacitĂ© vaut-elle lĂ©gitimitĂ© ? Il n’est en effet pas Ă©vident que l’efficacitĂ© d’une mĂ©thode suffise Ă  en justifier le bien-fondĂ©. Une chose n’est pas bonne au seul motif qu’elle est efficace – il n’est qu’à penser Ă  l’exemple de la bombe atomique, qui a mis fin Ă  la guerre avec le Japon. Ainsi, l’efficacitĂ© d’une action est une condition nĂ©cessaire mais non suffisante Ă  sa lĂ©gitimitĂ©. En outre, et il faudrait commencer par lĂ , quels Ă©lĂ©ments nous permettent d’affirmer ou non que la violence est efficace ? Il faudrait dĂ©jĂ  distinguer entre l’efficacitĂ© dans l’absolu et l’efficacitĂ© par rapport Ă  d’autres modes d’action politique Ă©lections, recours au Conseil constitutionnel, pĂ©titions, manifestations, grĂšves, actions directes non-violentes, etc.. L’ambition de cet article n’est pas de fournir une rĂ©ponse Ă  cette question empirique Ă©minemment complexe. Il n’est d’ailleurs pas certain que cette question puisse vĂ©ritablement ĂȘtre posĂ©e hors des conditions historico-pratiques qui sont susceptibles de la mettre Ă  l’ordre du jour. Notons simplement, c’est la position de Gandhi, que les bienfaits de la violence – dont on croit lui ĂȘtre redevable – ne sont qu’apparents et temporaires. Les rĂ©sultats acquis par les armes soit s’évanouissent rapidement, soit se retournent en leur contraire. Les justifications Ă©thico-politiques de la violence rĂ©volutionnaire semblent ainsi s’évanouir une Ă  une. Mais si la violence est relĂ©guĂ©e dans les tĂ©nĂšbres de l’ergastule et si, en tant que rĂ©volutionnaires, nous avons renoncĂ© Ă  changer le monde par les institutions de l’ordre Ă©tabli, considĂ©rant que celles-ci sont rodĂ©es Ă  la domination et Ă  l’oppression de groupes sur d’autres, quelle voie d’action nous reste-t-il ? Si ces deux options sont Ă  rejeter, ne sommes-nous pas dĂšs lors condamnĂ©s Ă  l’inaction ou Ă  une passivitĂ© complice ? Non, car il serait naĂŻf de croire que l’action rĂ©volutionnaire est violente ou n’est pas ». Il existe, pour rĂ©sister, une large panoplie d’actions directes non-violentes, d’ailleurs souvent mises en Ɠuvre sans forcĂ©ment la pleine conscience qu’il s’agit lĂ  de mĂ©thodes non-violentes. Notons dĂšs le dĂ©part que les grĂšves – y compris gĂ©nĂ©rales et expropriatrices – et les manifestations, dans l’immense majoritĂ© des cas, constituent des actions non-violentes. Outre ces deux modalitĂ©s privilĂ©giĂ©es du rĂ©pertoire d’action collective contemporain, on relĂšvera des actions plus spĂ©cifiquement labellisĂ©es non-violentes », comme la dĂ©sobĂ©issance civile, le refus de l’impĂŽt, l’objection de conscience, les sit-in, les occupations, etc. Une action n’est pas lĂ©gitime du seul fait qu’elle est Ă©thique. Autrement dit, que la non-violence soit conforme aux exigences de notre for intĂ©rieur ne suffit pas Ă  la rendre politiquement valable. Si l’on souhaite Ɠuvrer en vue d’une transformation rĂ©volutionnaire de la sociĂ©tĂ©, la non-violence, en plus d’ĂȘtre morale, doit ĂȘtre efficace. Le choix de la non-violence ne doit pas dĂ©couler de considĂ©rations exclusivement humanistes. Il doit rĂ©pondre Ă  des exigences pragmatiques. L’action directe non-violente peut-elle remplir avec succĂšs les tĂąches assignĂ©es Ă  toute action rĂ©volutionnaire ou faut-il, comme le suggĂ©rait Sartre dans sa prĂ©face aux DamnĂ©s de la terre de Fanon[13], laisser Ă©clater la colĂšre et la haine, seules capables de rendre aux exploitĂ©s leur humanitĂ© ? Il nous faut dĂ©sormais montrer que si la non-violence constitue bien un outil de lutte efficace, c’est qu’elle se fonde sur une analyse pertinente des mĂ©canismes psychosociologiques du changement social. Les actions directes non-violentes qui nous intĂ©ressent ici relĂšvent d’une stratĂ©gie de non-coopĂ©ration collective. Le point d’application de la non-coopĂ©ration peut concerner le domaine politique la dĂ©sobĂ©issance civile, la sphĂšre du travail la grĂšve ou celle de la production des biens et des services le boycott. Dans tous les cas, cette stratĂ©gie repose sur un prĂ©supposĂ© quant Ă  la nature du pouvoir politique. À l’instar de La BoĂ©tie glosant sur la servitude volontaire, la non-violence postule que le pouvoir des dominants dĂ©pend intimement du consentement des dominĂ©s. Il n’est de servitude que volontaire, de mĂȘme qu’il n’est de domination, au sens de Max Weber, sans croyance, mĂȘme partielle, de la part des dominĂ©s dans la lĂ©gitimitĂ© des dominants[14]. Les esclaves se passeraient en quelque sorte eux-mĂȘmes la corde au cou. Cette thĂšse ne doit pas ĂȘtre mal interprĂ©tĂ©e. De mauvais esprits soutiendraient prĂ©cipitamment que, puisque le peuple s’asservit, telle doit rester sa condition. On a le sort qu’on mĂ©rite. Cette interprĂ©tation de l’hypothĂšse de la servitude volontaire est propre Ă  la philosophie libĂ©rale et Ă  celle des seigneurs. Elle passe entiĂšrement Ă  cĂŽtĂ© du message de La BoĂ©tie. L’hypothĂšse de la servitude volontaire – autrement dit la description du pouvoir politique comme reposant sur le consentement des sujets – annonce deux bonnes nouvelles. D’une part que la tyrannie peut ĂȘtre renversĂ©e sans armes, donc que la rĂ©volution peut ĂȘtre non-violente. D’autre part, que l’émancipation du peuple ne saurait ĂȘtre qu’auto-Ă©mancipation. Tout d’abord, puisque la soumission des hommes dĂ©pend moins de la force qu’ils subissent que de l’obĂ©issance Ă  laquelle ils consentent, la non-coopĂ©ration collective constitue un moyen efficace de renverser un pouvoir tyrannique. Or, le simple refus d’obĂ©ir n’implique aucune violence physique. Nos maĂźtres ne sont grands que parce que nous nous agenouillons devant eux. La seule puissance du tyran, c’est de ses sujets qu’il la tient. Aussi, pour mettre Ă  bas un systĂšme oppressif, nul besoin d’armes et de fusils. Il suffit pour cela d’arrĂȘter d’obĂ©ir aux tyrans et aux petits tyranneaux chargĂ©s de transmettre ses ordres. Automatiquement, leur pouvoir s’effritera[15]. La stratĂ©gie non-violente se rĂ©vĂšle ainsi ĂȘtre un moyen de lutte efficace contre les diffĂ©rentes formes de domination. En outre, l’analyse laboĂ©tienne du pouvoir fait signe vers l’auto-Ă©mancipation des opprimĂ©s. Puisque les sujets ne sont asservis que du fait de leur propre volontĂ©, eux seuls sont en mesure de remĂ©dier Ă  cette situation. L’auto-assujettissement implique inexorablement son revers l’auto-Ă©mancipation. DĂ©sormais, le peuple n’est plus seulement l’objet de la rĂ©volution, il en devient le sujet. Sa libĂ©ration ne sera pas le fruit d’agents extĂ©rieurs. L’émancipation, pour ĂȘtre consistante et durable, doit ĂȘtre auto-Ă©mancipation. Avant de conclure, une nuance doit ĂȘtre apportĂ©e. La non-violence ne peut ni ne doit jamais ĂȘtre absolue. Gandhi lui-mĂȘme, malgrĂ© son strict rejet de la violence et des idĂ©ologies qui la soutiennent, insiste sur le fait que la non-violence doit ĂȘtre une Ă©thique relative. Il faut faire preuve de souplesse dans l’application de la doctrine, car les principes sont une chose, la bonne pratique une autre. ƒuvrer Ă  la rĂ©volution n’est pas un long fleuve tranquille. Aussi, ceux qui y travaillent se retrouvent-ils souvent dans des situations singuliĂšres et inattendues oĂč agir de maniĂšre pacifique est tout simplement illusoire ou suicidaire. Dans ce cas, l’urgence vaut lĂ©gitimation, et le recours Ă  la violence ne saurait ĂȘtre par principe Ă©cartĂ©. En outre, soutient Gandhi, la violence vaut toujours mieux que la lĂąchetĂ©. Si l’idĂ©al est celui d’une rĂ©volution non-violente, il faut pourtant reconnaĂźtre que, Ă©tant donnĂ©e l’apathie gĂ©nĂ©rale, on ne peut blĂąmer trop sĂ©vĂšrement ceux qui ou envisagent ou prĂ©parent la rĂ©volution par les armes. Ces groupes minoritaires, bien que violents, possĂšdent une vertu que n’ont pas les membres de la majoritĂ© silencieuse qui s’accommodent passivement de l’ordre Ă©tabli le courage. Car, affirme Gandhi, alors qu’il n’y a aucun espoir de voir une lĂąche devenir une rĂ©volutionnaire non-violente, cet espoir n’est pas interdit Ă  une rĂ©volutionnaire convaincue de la nĂ©cessitĂ© et de la lĂ©gitimitĂ© de la violence rĂ©volutionnaire[16]. [1] Cette hypothĂšse communiste », comme la nomme Alain Badiou, revient Ă  dire que l’humanitĂ© n’est pas condamnĂ©e Ă  vivre sous la domination planĂ©taire du capitalisme et des ravages qui l’accompagnent. Voir BADIOU Alain, L’HypothĂšse communiste, Lignes, 2009. [2] Ces chiffres, directement issus des statistiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture FAO, sont commentĂ©s avec pertinence dans le documentaire autrichien de Erwin Wagenhofer, We feed the world 2005. [3] Cette confĂ©rence est retranscrite dans le dernier ouvrage de Balibar, Violence et CivilitĂ©, GalilĂ©e, 2010. [6] WEBER Max, Économie et SociĂ©tĂ©, Plon, 1971, p. 21. [7] Dont les principaux Ă©crits sont compilĂ©s dans RĂ©sistance non-violente, Buchet-Chastel, 2007. [8] Nous pensons notamment Ă  l’intervention d’Étienne Balibar, citĂ©e prĂ©cĂ©demment, lors du colloque Marx International de 2004. [9] CitĂ©e in MULLER Jean-Marie, Simone Weil, l’exigence de la non-violence, DesclĂ©e de Brouwer, 1995, p. 120. [10] MARX Karl et ENGELS Friedrich, L’IdĂ©ologie allemande, Éditions sociales, 1972, p. 79. [11] CASTORIADIS Cornelius, L’Institution imaginaire de la sociĂ©tĂ©, Seuil, 1975. [12] MARX Karl, ƒuvres I, Le Capital, BibliothĂšque de la PlĂ©iade », Gallimard, 1963, p. 550. [13] Voir FANON Frantz, Les DamnĂ©s de la terre, La DĂ©couverte, 2002 [1961], p. 17-36. [14] C’est lĂ  Ă©galement Ă  peu de choses prĂšs la dĂ©finition de la violence symbolique » que l’on trouve chez Bourdieu et Passeron. Voir notamment La Reproduction, Minuit, 1970. [15] L’exemple de la rĂ©sistance civile danoise au nazisme en constitue une illustration exemplaire. Suite Ă  l’occupation du pays par les forces allemandes, au cours de l’étĂ© 1943, les Danois organisent immĂ©diatement des actions directes non-violentes de masse. Toute une sĂ©rie de grĂšves viennent compliquer l’administration du pays par les autoritĂ©s nazies. Puis, lorsque ces derniĂšres dĂ©cident de dĂ©porter les Juifs danois dans les camps de la mort, leurs concitoyens les Ă©vacuent rapidement vers la SuĂšde, oĂč ils seront placĂ©s en sĂ©curitĂ©. La rĂ©ussite de ces opĂ©rations galvanise les Danois, qui entreprennent alors une grĂšve gĂ©nĂ©rale. Ainsi, bien que le pays n’ait Ă©tĂ© libĂ©rĂ© qu’à la fin de la guerre, il ne fait aucun doute que l’action non-violente de masse a fortement contribuĂ© Ă  affaiblir l’occupant nazi. [16] Gandhi, Tous les hommes sont frĂšres, Gallimard, 1990, p. 179. Nos contenus sont sous licence Creative Commons, libres de diffusion, et Copyleft. Toute parution peut donc ĂȘtre librement reprise et partagĂ©e Ă  des fins non commerciales, Ă  la condition de ne pas la modifier et de mentionner auteures et URL d’origine activĂ©e. Un mal nĂ©cessaire La mutinerie de Champ-Dollon, le traitement hallucinant de Carlos Ă  Zurich un dĂ©linquant mineur qui bĂ©nĂ©ficiait d’un coĂ»teux programme de rĂ©habilitation, lire LT du actualisent la question du rĂŽle, voire de l’utilitĂ© de la prison, et la problĂ©matique de la rĂ©insertion des dĂ©linquants. Le problĂšme n’est pas nouveau. Au tout dĂ©but des annĂ©es 60 dĂ©jĂ , notre professeur de droit pĂ©nal nous enseignait que la sanction» pĂ©nale devait assurer trois fonctions la punition, la protection de la sociĂ©tĂ© et la rĂ©insertion du punition peut ĂȘtre financiĂšre ou privative de libertĂ©. La punition comme telle doit offrir une sorte de satisfaction Ă  la victime dont le besoin lĂ©gitime de vengeance et de reconnaissance de sa souffrance est ainsi honorĂ©. Mais l’Etat ne doit pas cĂ©der Ă  la tentation d’adapter la peine Ă  la subjectivitĂ© de la victime. Il doit garantir une certaine objectivitĂ© de la sanction et donc veiller Ă  ce qu’elle contribue Ă  la rĂ©insertion» du coupable par le seul fait que la punition est constitutive de l’ protection de la sociĂ©tĂ© exige une mesure empĂȘchant le coupable de continuer de nuire – c’est le rĂŽle de l’emprisonnement – ainsi que la garantie que le coupable ne recommencera pas, s’il est libre – c’est le rĂŽle de la derniĂšre pose le problĂšme quasiment insoluble de l’apprĂ©ciation des chances d’amĂ©lioration du coupable et du moyen d’y parvenir. Parfois, la seule crainte d’une nouvelle sanction et en particulier d’un nouvel emprisonnement y suffira, d’autres fois, une vĂ©ritable rééducation sera nĂ©cessaire, quelquefois enfin, l’espoir d’amĂ©lioration est si faible que la surveillance restera nĂ©cessaire, soit sous forme de privation de libertĂ© d’une durĂ©e indĂ©terminĂ©e soit – selon la proposition du professeur Henriette Haas – au moyen d’une surveillance par Ă  la sanction/emprisonnement. On ne peut Ă©videmment parler de sanction» aussi longtemps que le prĂ©venu n’est pas condamnĂ©. Une dĂ©tention prĂ©ventive n’est donc pas une sanction et ne doit pas ĂȘtre exĂ©cutĂ©e dans le mĂȘme lieu que l’emprisonnement aprĂšs condamnation. C’est lĂ  probablement un des premiers dĂ©fauts de Champ-Dollon. La sĂ©paration doit ĂȘtre totale entre dĂ©tention prĂ©ventive et emprisonnement aprĂšs condamnation pĂ©nale. En outre, vu la prĂ©somption d’innocence, une dĂ©tention prĂ©ventive doit ĂȘtre subordonnĂ©e Ă  des conditions strictes. Il n’est pas certain que cela soit toujours le cas en convient aussi de rappeler que mĂȘme le pire dĂ©linquant reste un ĂȘtre humain. Cela implique que l’exĂ©cution de la peine – et de la peine d’emprisonnement en particulier – obĂ©isse Ă  des rĂšgles claires. L’Etat doit veiller Ă  la santĂ© et Ă  la sĂ©curitĂ© des dĂ©tenus. Il n’a pas par contre Ă  assurer leur confort. La santĂ© exige un certain espace vital, des contacts avec l’extĂ©rieur et des promenades, de l’hygiĂšne, une nourriture saine et naturellement aussi des soins mĂ©dicaux avec les mĂȘmes droits que tout patient. La sĂ©curitĂ© n’est pas conciliable avec un entassement de personnes, ni mĂȘme, parfois, avec la rĂ©union de deux ou plusieurs dĂ©tenus de cultures trĂšs diffĂ©rentes dans la mĂȘme cellule, quelque spacieuse qu’elle soit. C’est de la responsabilitĂ© des autoritĂ©s politiques que de veiller Ă  la suffisance et Ă  la pertinence des moyens Ă  disposition. Le lĂ©gislateur est lui aussi directement impliquĂ© dans la mesure oĂč, cĂ©dant Ă  des experts souvent idĂ©ologues mais dĂ©nuĂ©s de tout sens pratique, il Ă©labore parfois des lois d’exĂ©cution ou des lois pĂ©nales quasiment rĂ©insertion peut se faire pendant l’emprisonnement, notamment par le biais d’une activitĂ© professionnelle, ou aprĂšs la sortie, mais certainement jamais Ă  un coĂ»t que nul citoyen non millionnaire ne saurait assumer. Le cas de Carlos est totalement rĂ©voltant si le coĂ»t en est assumĂ© par l’Etat. Le scandale est pire que celui des bonus. Certes, dans la mesure oĂč Carlos avait droit Ă  une libĂ©ration conditionnelle, on ne pouvait le remettre en prison sans motif autre que son coĂ»t, auquel il ne peut rien. Mais le fait qu’il ait dĂ» ĂȘtre expĂ©diĂ© aux Pays-Bas oĂč il coĂ»te encore aux pouvoirs publics suisses 19 000 francs par mois est la preuve de l’anomalie de la rĂŽle de la punition et les possibilitĂ©s de rĂ©insertion posent des problĂšmes particuliers en relation avec la culture propre de chaque condamnĂ©. Dans la mesure oĂč nos prisons accueillent de plus en plus de dĂ©linquants qui appartiennent Ă  des cultures diffĂ©rentes de la culture europĂ©enne occidentale, la sĂ©curitĂ© est particuliĂšrement difficile Ă  faire rĂ©gner et, en outre, la rĂ©insertion, problĂ©matique. Il faudrait pouvoir renvoyer les dĂ©linquants purger leur peine dans leur pays d’origine, aux conditions locales, ce qui serait probablement plus dissuasif que dans les conditions des prisons suisses. Mais ces considĂ©rations ne rendent pas la prison obsolĂšte pour autant. Si cette peine nĂ©cessite une adaptation aux particularitĂ©s d’une sociĂ©tĂ©, elle reste en tous les cas un moyen de protection, de punition, voire de rééducation pleinement utile. L’Etat doit veiller Ă  la santĂ© et Ă  la sĂ©curitĂ© des dĂ©tenus. Il n’a pas, par contre, Ă  assurer leur confortLe Temps publie des chroniques et des tribunes – ces derniĂšres sont proposĂ©es Ă  des personnalitĂ©s ou sollicitĂ©es par elles. Qu’elles soient Ă©crites par des membres de sa rĂ©daction s’exprimant en leur nom propre ou par des personnes extĂ©rieures, ces opinions reflĂštent le point de vue de leurs autrices et auteurs. Elles ne reprĂ©sentent nullement la position du titre. Tom Cotton a notamment dans son viseur un programme s'enseignement de l'histoire de l'esclavage aux États-Unis. Tasos Katopodis via Getty Images Tom Cotton, le sĂ©nateur de l'Arkansas Tasos Katopodis via Getty Images ÉTATS-UNIS - Des propos qui ne devraient pas apaiser les tensions dans l’AmĂ©rique de Trump, oĂč se poursuivent depuis la mort de George Floyd les manifestations contre le racisme et les violences policiĂšres. Le sĂ©nateur de l’Arkansas, Tom Cotton, a Ă©tĂ© Ă  l’origine d’une nouvelle dĂ©claration polĂ©mique ce dimanche 26 juillet dans une interview donnĂ©e Ă  un journal local. Il Ă©voquait alors notamment la façon dont l’esclavage devrait ĂȘtre selon lui enseignĂ© Ă  l’école. “Nous devons Ă©tudier l’histoire de l’esclavage et son rĂŽle et son impact sur le dĂ©veloppement de notre pays, car sinon nous ne pouvons pas comprendre notre pays. Comme l’ont dit les pĂšres fondateurs, c’était un mal nĂ©cessaire sur lequel l’union a Ă©tĂ© construite”, a-t-il dĂ©clarĂ© avant d’ajouter “L’union a Ă©tĂ© construite de maniĂšre, comme l’a dit Lincoln, Ă  mettre l’esclavage sur la voie de son extinction ultime”. Selon lui, au lieu de dĂ©peindre l’AmĂ©rique comme “un pays irrĂ©mĂ©diablement corrompu, pourri et raciste”, il devrait ĂȘtre considĂ©rĂ© “comme une terre imparfaite avec ses dĂ©fauts”, comme “le pays le plus grand et le plus noble de l’histoire de l’humanitĂ©â€. De la “propagande gauchiste” Cette dĂ©claration intervient alors que Tom Cotton soutient en ce moment un projet de loi visant Ă  limiter les fonds des Ă©coles qui enseignent un programme liĂ© au Projet 1619, relatent nos confrĂšres du HuffPost US. Ce projet, qui fait rĂ©fĂ©rence Ă  l’annĂ©e oĂč des esclaves africains ont Ă©tĂ© envoyĂ©s aux États-Unis, est en fait une sĂ©rie de textes Ă©crits par des rĂ©dacteurs du New York Times et qui examinent l’histoire amĂ©ricaine de l’esclavage Ă  l’aune de son rĂŽle critique dans la construction du pays. Selon Cotton, ce projet n’est autre que de la “propagande de gauchistes” qui distille de la “pourriture anti-amĂ©ricaine” dans l’esprit des Ă©lĂšves. Ces dĂ©clarations ont suscitĂ© de nombreuses rĂ©actions outre-Atlantique, et notamment celle de Nikole Hanna-James, directrice du projet 1619, mais aussi le sĂ©nateur de l’Oregon, Jeff Merkley, ou mĂȘme encore le rappeur Ice Cube. “Si l’esclavage des biens mobiliers - l’esclavage hĂ©rĂ©ditaire, gĂ©nĂ©rationnel, permanent, fondĂ© sur la race oĂč il Ă©tait lĂ©gal de violer, torturer et vendre des ĂȘtres humains Ă  des fins lucratives - Ă©tait un mal nĂ©cessaire’ commeTomCottonAR le dit, il est difficile d’imaginer ce qui ne peut pas ĂȘtre justifiĂ© quand la fin justifie les moyens”. “Le mal nĂ©cessaire” suggĂšre que l’esclavage en valait la peine. Des millions de Blancs ont atteint la prospĂ©ritĂ©, alors c’est normal que des millions de Noirs aient Ă©tĂ© achetĂ©s, vendus, violĂ©s, fouettĂ©s? Permettez-moi d’ĂȘtre clair, l’esclavage n’était nĂ©cessaire dans aucun contexte - et le mal absolu dans tous les contextes”. “Tom Cotton est un “mal non nĂ©cessaire”″ Le sĂ©nateur de l’Arkansas a beau estimer que les journalistes du New York Times n’ont pas le droit d’enseigner l’Histoire Ă  des enfants, cela ne l’a pas empĂȘchĂ© d’y publier une tribune polĂ©mique dĂ©but juin. Il y proposait d’envoyer l’armĂ©e sur les manifestations qui ont suivi la mort de Georges Floyd. L’article a Ă©tĂ© largement critiquĂ©, dĂ©clenchant une vague d’indignation de la part d’employĂ©s du journal, pointant notamment des informations erronĂ©es. La publication s’est ensuite excusĂ©e, affirmant que l’article Ă©tait en dessous de ses normes Ă©ditoriales, mais le rĂ©dacteur en chef James Bennet a alors dĂ©missionnĂ©. À voir Ă©galement sur Le HuffPost Aux États-Unis, interpellĂ©e parce qu’elle menaçait d’une arme une femme noire qui la filmait Question RĂ©ponse Dietrich Bonhoeffer a Ă©crit Il y a pire que faire le mal ĂȘtre mauvais. » En ces mots, il a dĂ©fendu sa participation Ă  un complot visant Ă  assassiner Adolf Hitler pendant la IInde Guerre Mondiale. Un assassinat est un mal, mais certains, notamment Bonhoeffer, avaient estimĂ© que dans le cas prĂ©sent, c'Ă©tait un mal nĂ©cessaire au vu du mal bien plus grand de la Shoah. La notion de mal nĂ©cessaire » est-elle biblique ? Pour rĂ©pondre, commençons par dĂ©finir ce qu'est le mal. Ce terme est employĂ© dans les Écritures avec deux sens diffĂ©rents les catastrophes naturelles et les fautes morales. ÉsaĂŻe dit que Dieu a créé le mal Je forme la lumiĂšre et je crĂ©e les tĂ©nĂšbres, je donne la paix et je crĂ©e le malheur. C'est moi, l'Éternel, qui suis l'auteur de tout cela. » Dans ce passage, le malheur dĂ©signe les catastrophes. Ce parallĂ©lisme antithĂ©tique met en opposition le malheur et la paix. L'idĂ©e est que Dieu nous envoie Ă  la fois des temps de paix et de trouble. L'autre forme de mal, le mal moral, est mentionnĂ©e en Matthieu qui oppose l'homme bon » Ă  l'homme mauvais ». Voir aussi Juges Proverbes et 3 Jean Ces deux dĂ©finitions doivent ĂȘtre examinĂ©es en lien avec la question du mal nĂ©cessaire ». Jonas est un prophĂšte que Dieu a appelĂ© pour annoncer son jugement Ă  la ville de Ninive Jonas mais il a prĂ©fĂ©rĂ© s'enfuir en bateau. Alors, Dieu a envoyĂ© une tempĂȘte terrible, au point oĂč les passagers du bateau ont craint pour leur vie. Par consĂ©quent, Jonas leur a dit de le jeter Ă  la mer et dĂšs l'instant oĂč il est tombĂ© Ă  l'eau, Dieu a envoyĂ© un grand poisson pour l'avaler. Jonas a passĂ© trois jours dans le ventre de ce poisson. La tempĂȘte et le temps qu'il a passĂ© dans le ventre du poisson Ă©taient un malheur » au sens de catastrophe pour lui, mais ils Ă©taient nĂ©cessaires pour le faire renoncer Ă  sa dĂ©sobĂ©issance. Non seulement Dieu l'a restaurĂ©, mais toute la ville de Ninive a Ă©tĂ© sauvĂ©e Jonas Il y a des personnages bibliques qui ont fait ce qu'ils savaient ĂȘtre mal afin d'arriver Ă  ce qu'ils percevaient comme un bien », par exemple le roi SaĂŒl, qui a lui-mĂȘme offert un sacrifice Ă  Dieu au lieu d'attendre Samuel. Il savait que ce n’était pas Ă  lui de le faire, mais son raisonnement Ă©tait qu'il valait mieux l'offrir en l'honneur de Dieu que de ne pas le faire. Dieu ne voyait pas les choses ainsi. À cause de sa dĂ©sobĂ©issance, SaĂŒl a fini par perdre son Royaume 1 Samuel Peu de gens dĂ©fendraient que le mensonge est une bonne chose. Pourtant, il y a deux cas dans l'Ancien Testament de mensonges suivis de consĂ©quences positives. Les sages-femmes d'Égypte semblent avoir Ă©tĂ© bĂ©nies de Dieu pour avoir menti au Pharaon Exode et leur acte a certainement sauvĂ© la vie de beaucoup de garçons hĂ©breux. Rahab la prostituĂ©e a menti au roi de JĂ©richo afin de protĂ©ger les espions hĂ©breux cachĂ©s sous son toit JosuĂ© Par la suite, quand IsraĂ«l a dĂ©truit la ville, Dieu a Ă©pargnĂ© Rahab et sa famille. Ces mensonges Ă©taient-ils un mal nĂ©cessaire » ? Il est important de noter que la Bible ne dit pas clairement que ces mensonges Ă©taient la volontĂ© de Dieu. Les sages-femmes ont choisi d'obĂ©ir au commandement de Dieu plutĂŽt qu'Ă  celui du Pharaon. Dieu ne les a pas bĂ©nis pour ce mensonge, mais pour leur obĂ©issance. Rahab a Ă©tĂ© Ă©pargnĂ©e, non Ă  cause de son mensonge, mais pour avoir accueilli les espions par la foi JosuĂ© HĂ©breux Certes, son mensonge faisait partie de son plan pour les cacher et si elle n'avait pas menti, ils auraient probablement Ă©tĂ© tuĂ©s
 sauf si Dieu Ă©tait intervenu autrement. On peut dire la mĂȘme chose de la situation des sages-femmes. Ces deux mensonges peuvent sembler ĂȘtre le moindre de deux maux. Les mensonges des sages-femmes et de Rahab Ă©taient-ils nĂ©cessaires ? Ce serait trop dire, mĂȘme si les consĂ©quences Ă©taient positives. Leur mensonge a profitĂ© Ă  d'autres, mais elles ont nĂ©anmoins pĂ©chĂ©. Ces pĂ©chĂ©s font partie de ceux que JĂ©sus a portĂ©s Ă  la croix ÉsaĂŻe Heureusement, de telles situations sont rares. Nous serons peut-ĂȘtre contraints de faire des choses auxquelles nous rĂ©pugnons ou auxquelles nous objectons par principe, mais Dieu veut que nous soyons saints 1 Pierre et il semble peu probable qu'il nous soit jamais nĂ©cessaire » de pĂ©cher. English Retour Ă  la page d'accueil en français Y a-t-il un mal nĂ©cessaire ?

l etat est il un mal nécessaire